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Comment la loi Alur apaise les relations propriétaires-locataires

par Au Cœur de l'Immo, le

Henry Buzy-Cazaux, Président de l'Institut du Management des Services Immobiliers

La si décriée loi ALUR n'a pas fini de révéler ses arcanes au public, qui n'en connaît guère que les dispositions les plus polémiques. Après le contrat type de syndic de copropriété, ce sont le bail d'habitation type et la procédure d'encadrement des loyers à Paris intra muros qui ont fait l'objet de décrets d'application.

On attend encore l'entrée en vigueur de plusieurs mesures essentielles de cette loi du 24 mars 2015 : la notice appelée à éclairer le locataire sur ses droits et ses obligations lors de la signature du bail, l'état des lieux type et la grille de vétusté permettant d'évaluer le coût des déprédations locatives, mais aussi la déontologie des professionnels immobiliers et leur obligation de formation continue. Suivra la création et l'installation de la Commission nationale de contrôle appelée à trancher les différents entre professionnels et particuliers.

 

On voit bien qu'il s'agit de textes de première utilité pour les ménages. Peut-on accuser le gouvernement d'avoir pris du retard ? La loi support de ces mesures a en effet été promulguée il y a quelque un an et demi... Formuler ce grief envers l'exécutif relèverait de la mauvaise foi. En effet, les ministres concernés ont saisi pour avis le récent Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, qui rend ses notes à flots continus et qui travaille à marches forcées. Enfin, sur les dispositions directement relatives aux rapports entre propriétaire et locataire, la Commission nationale de concertation doit aussi être obligatoirement consultée. En clair, la procédure explique l'essentiel des délais. En outre, associer les parties prenantes à l'élaboration des textes garantit une meilleure acceptation de leur part. 

 

Tout au plus peut-on considérer que le CNTGI manque cruellement de moyens : y siègent bénévolement des représentants de la FNAIM, de l'UNIS et du SNPI, ainsi que des associations de consommateurs choisies lors de la constitution de cette nouvelle instance. Pas de locaux, pas de budget, pas de personnels mis à disposition. A cet égard, on peut penser que les syndicats qui le composent ont commis une erreur en ne faisant pas inscrire dans la loi un mécanisme d'alimentation budgétaire, par exemple par contribution des organisations professionnelles ou encore par cotisation obligatoire de tous les professionnels. Les syndicats ont peut-être craint que leurs adhérents, entre une charge contrainte pour le CNTGI et la charge facultative d'une adhésion à une organisation professionnelle, ne choisissent d'économiser le facultatif. Elles ont eu tort, parce qu'en se privant des moyens de l'action elles courent le risque que leurs membres eux-mêmes restent sur leur faim. 

 

Cela dit, l'auteure du projet de loi elle-même aurait pu assortir la création du CNTGI d'une logique de budgétarisation... Dans l'ambiance délicate de relations dégradées avec les organisations professionnelles, Cécile Duflot n'a sûrement pas voulu charger la barque...

 

Ainsi donc, tout arrive à qui sait attendre. Il n'est que temps, après les réactions passionnées que l'ALUR a soulevées, d'entrer posément dans sa philosophie. L'ALUR aura fourni des outils d'apaisement et de réassurance précieux. C'est le rapport des ménages et des individus au logement qui peut en sortir modifié et pour tout dire assaini. Les cadres contractuels règlementaires vont mettre les relations entre particuliers et professionnels sous le signe d'une confiance majorée. Il importe d'ailleurs que la communauté des agents immobiliers et des administrateurs de biens joue le jeu franchement, sans délai ni arrière-pensée. Au demeurant, la future Commission de contrôle serait vite saisie par les consommateurs si les nouvelles normes contractuelles n'étaient pas respectées... 

 

Quant à celles et ceux qui sentent la liberté contractuelle malmenée et perdante dans cette affaire, je ne les suis pas : on ne peut nier que les relations entre parties prenantes dans les actes courants de la transaction locative et de la gestion n'étaient pas exemptes de suspicion. 

 

La norme apaise. Elle complique aussi, indéniablement : préciser, prévenir, tout prévoir exige un luxe de stipulations, loin de la rusticité de certains contrats jusqu'alors usités. Le président de la FNAIM souriait, répondant à une interview, de l'épaisseur du bail tel qu'encadré par le nouveau décret... avant de dépasser ce reproche et de donner un satisfecit au contrat cadre. 

 

Quant aux constats d'état des lieux et aux calculs des retenues sur dépôt de garantie, comment nier qu'il était urgent d'y mettre de l'orthodoxie ? L'essentiel des différends portés devant les commissions départementales de conciliation ressortissent à des contentieux de ce tonneau. 

 

Tout au plus peut-on se demander si l'on aurait pu se passer de l'intervention dans ces matières des pouvoirs législatif et règlementaire. La réponse est évidemment affirmative. Deux voies auraient pu conduire à avoir la rigueur dans la liberté : la formation et la convention. Désormais, les personnels de l'immobilier sont formés dans des établissements qui transmettent les bonnes pratiques et les futurs professionnels les préfèrent de plus en plus aux cycles généralistes en droit, en économie ou en commerce. Il va s'y ajouter les effets salutaires de la formation obligatoire tout au long de la carrière. Mais il faudra encore sans doute une dizaine d'années pour que l'inculcation des beaux gestes contamine tout le secteur.

 

La dernière voie renvoie au partage bien compris des pratiques vertueuses, sur le mode délibéré. La méthode de l'institution royale anglaise des Chartered Surveyors, présente en France comme dans la plupart des pays du monde. Il est fâcheux que leur rigueur ait plus infiltré l'univers de l'immobilier tertiaire que celui du résidentiel dans notre pays. Le principe de se donner des contraintes au lieu de les subir est le meilleur qui soit. Freud appelait cela le "surmoi", c'est-à-dire la loi en soi. 

 

L'initiative de pratiques orthodoxes aurait épargné à la communauté professionnelle immobilière bien des tracas... Au fond, qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse. L'orthodoxie s'imposera de l'extérieur quand elle aurait pu arriver par la douceur.

 

 

Henry Buzy-Cazaux,

Président de l'Institut du Management des Services Immobiliers

 

 

Source: © Capital.fr

 

 

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