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"Pourquoi il faut augmenter les honoraires des syndics"

par Au Cœur de l'Immo, le

"Pourquoi il faut augmenter les honoraires des syndics"

Vous venez de publier une étude sur les syndics : comment vont-ils ?

 

En fait, l'étude porte à la fois sur les syndics et sur les administrateurs de biens. Ces derniers sont des syndics qui, en plus de leur activité, font de la gestion locative. Ce qu'on peut en dire, c'est que c'est un secteur qui marche encore bien. Les résultats nets ne sont pas mirobolants, ils sont inférieurs à 10%, mais ils sont stables et réguliers.

 

Vous avez dit "qui marche encore" bien : cela veut-il dire qu'il pourrait bientôt ne plus marcher ?

 

En fait, ça dépend ! (rires) On assiste actuellement à un déséquilibre entre le cœur de métier des syndics -la gestion de biens immobiliers, rémunérée par leurs honoraires- et les activités annexes (marges sur les prestations de tiers ou les travaux, produit financiers tirés de la trésorerie des copropriétés, transactions immobilières). Les secondes génèrent des marges confortables, alors que l'activité de syndic pure, elle, ne dégage quasiment pas de marge.

 

Comment cela-se fait-il ?

 

Peu de gens savent en fait que le métier de syndic est un métier extrêmement exigeant, qui est très consommateur d'énergie, de stress et surtout, de temps.

D'une part, le syndic doit se tenir au courant de l'évolution de la législation et de la réglementation -droit de propriété, code de l'urbanisme...- qui changent sans arrêt.

Ensuite, il a des horaires à rallonges avec des assemblées générales qui peuvent durer jusqu'à 22h00, voire minuit dans les cas extrêmes.

Enfin, la rémunération associée à ce temps passé et à cette exigence de technicité n'est pas à la hauteur.

 

L'activité de syndic pur, c'est le "parent pauvre" des administrateurs de biens. Un métier beaucoup moins rentable que celle de la transaction immobilière : une seule vente d'un appartement réalisée en quelques semaines peut rapporter autant que la somme des honoraires de dix immeubles parisiens de taille moyenne !

Donc contrairement aux idées reçues, les syndics ne vendent pas leur prestation de syndic pur à leur coût.

 

Pourtant, vous le disiez, leur rentabilité tourne autour de 10% : alors comment gagnent-ils leur vie ?

 

En fait, leur activité de syndic leur permet de générer du business sur la gérance et les transactions. Et ils gagnent également de l'argent avec le placement de la trésorerie des copropriétés, qui leur permet de dégager beaucoup de revenus : si Foncia a été vendu si cher aux banques Populaires en 2007, pour 1,3 milliards d'euros, c'est que leurs revenus liés à ces placement étaient très importants.

En fait, notre étude montre que les placements de trésorerie représentent encore 33% du résultat net des syndics de notre panel !

Et encore ce pourcentage a-t-il baissé à cause de la baisse de l'Euribor 3 mois (qui détermine les taux d'intérêts, NDLR), qui est tombé à 0,6% en 2012 contre 4,6% en 2008: cette année-là, ces placements représentaient 60% de leur résultat net!

 

Quant à la gérance locative, disons qu'elle dégage entre 20 et 25% de marge. Pour les transactions, les marges ne sont pas énormes -8% sur le prix de vente du bien immobilier- mais ce sont des "one shot" très peu gourmands en temps, en technicité et en énergie. 

 

Vous dites dans la présentation de votre étude que le loi Duflot va bouleverser le modèle d'affaires des syndics. Pourquoi ?

 

Parce que le projet de loi en préparation prévoit d'obliger le syndic à ouvrir des comptes bancaires séparés pour chacune de ses copropriétés.

Du coup, les syndics ne pourront plus compter sur les revenus de ces fameux placements financiers. Ils représentent actuellement, je l'ai dit, un tiers du résultat net des syndics, et vont considérablement baisser.

 

Quel est l'intérêt d'une telle loi pour les copropriétaires ? Verront-ils la couleur des intérêts de ces placements ?

 

Pas forcément, car de tels placements ne rapportent vraiment que lorsque les sommes en jeu sont énormes -la trésorerie de 100 copropriétés, par exemple. Mais pour une copropriété normale, le volume n'est pas assez important pour dégager des revenus financiers significatifs.

Le vrai intérêt de cette loi pour les copropriétaires, c'est qu'elle va freiner la course à la taille chez les syndics. Ils sont engagés depuis de nombreuses années dans une course à la croissance externe qui n'est pas saine ni rentable : par exemple, la rentabilité de Foncia n'est que de 4,4% alors que les 404 syndics indépendants de notre panel affichent une rentabilité de 9,1%.

La taille n'est donc pas synonyme de rentabilité. Du coup, les syndics vont être amenés à repenser leur stratégie: si la chasse aux produits financiers n'est plus possible, alors la course à la taille devient inutile. Si elle devient inutile, il faut trouver d'autres relais de croissance.

Or la politique qui consister à "marger" sur les prestations a de moins en moins le vent en poupe: ce sont là des techniques abusives qui ont l'inconvénient de générer beaucoup de plaintes de la part des copropriétaires et surtout d'éveiller leurs soupçons sur l'ensemble des prestations. Si les photocopies sont vendues trop cher, alors pourquoi les honoraires ne seraient-ils pas trop élevés -ce qui, on l'a vu, n'est justement pas le cas !

 

On a l'impression, à vous entendre, que les syndics sont comme les compagnies aériennes ou les opérateurs télécom avant l'apparition des low-costs: des tarifs abusifs, comme les prix des billets d'avion ou celui des communications mobiles, qui entraînent un fort mécontentement des consommateurs jusqu'au jour où un nouvel entrant change la donne...

 

Oui, c'est un peu ça. D'autant plus que les copropriétaires ne se plaignent pas tant des prix ou des marges, que de la qualité des prestations. Facturer une prestation à son juste prix me semble être un comportement rationnel et logique. Nous disons simplement que le syndics auraient intérêt à se recentrer sur leur cœur de métier, et à le faire payer.

 

Votre conclusion, paradoxalement, c'est donc qu'il faut presque souhaiter une augmentation du tarif des honoraires ?

 

Oui, en fait les administrateurs de biens et les syndics doivent surtout comprendre qu'ils ont tout à gagner en instaurant une politique de transparence, de vérité des prix. Une photocopie coûte 0,10 centime ? Alors on peut marger un peu sur ce poste, pour rémunérer le temps passé, mais pas trop.

Les honoraires ne rémunèrent pas le temps passé? Alors il faut les revoir à la hausse.

Ce que je dis peut paraître choquant mais savez-vous combien les ménages français dépensent pour l'eau et l'électricité ? 49 milliards d'euros par an.

Et combien ils dépensent pour les "frais de personnel d'immeubles", qui comprennent les concierges et les syndics ? A peine 1,8 milliard d'euros. Je rappelle que les honoraires représentent moins de 150 euros par an et par lot (appartement NDLR) : ce n'est franchement pas excessif.

 

Vous dites ça pour faire plaisir aux syndics ?

 

(Rires) Non, pas du tout : nous sommes un cabinet indépendant, nous ne roulons pour personne, et nous ne nous gênons pas dans l'étude pour critiquer certaines de leurs attitudes ou leurs comportements.

D'ailleurs la solution que je recommande au sujet de la hausse des honoraires va à l'encontre de leur politique actuelle, qui consiste plutôt à se rattraper sur les marges, et les prestations "hors cœur de métier".

 

Mais vous savez, Jean Monet disait : "les hommes n'acceptent le changement que dans la nécessité, et ne voient la nécessité que dans la crise".

Actuellement, avec leurs taux de rentabilité assez peu élevés mais réguliers, les syndics et administrateurs de biens pourraient s'endormir sur leurs lauriers.

La loi Duflot aura le mérite de les réveiller. Elle va donner à cette profession l'occasion de se redéployer, de se repenser, de redéfinir son métier et sa stratégie.

 

 

Propos recueillis par Laurent Calixte pour Challenges.fr

 

 

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